En tant que médiatrice je constate que cette question de la « réalité » est généralement au cœur des débats et que cela peut faire monter rapidement l’escalier du conflit si l’on n’y prend pas garde. Le postulat de base que j’aime à partager avant de démarrer est cette phrase de Gandhi
« Chacun à raison, de son propre point de vue, mais il se peut que tout le monde ait tort ».
Gandhi
Une fois cette idée acceptée par tout le monde ainsi qu’une envie partagée de réellement comprendre pourquoi on ne se comprend pas, voici quelques éléments de réponse :
Le premier élément de réponse nous est apporté par la PNL qui nous dit que :
La carte n’est pas le territoire
Chaque individu est unique, car il possède « sa propre carte du monde » bien différente de celle des autres. Il n’existe pas de carte unique pour se guider dans le vaste monde « des autres ». Nous construisons notre carte depuis notre enfance avec notre inné ainsi que tout ce que nous avons acquis, de nos parents, notre histoire, et tout ce que nous pensons et ressentons de tous nos évènements de vie.
Notre carte du monde influence nos choix et nos perceptions. Bien souvent, elle nous limite : cette carte mentale donne une représentation partielle et souvent erronée du territoire. La carte représente ainsi la manière dont nous nous représentons NOTRE réalité.
Les désaccords humains proviennent de cette volonté de s’accrocher à sa carte mentale, comme si elle était une vérité vraie.
Lorsqu’un problème ou un différent entre 2 personnes survient, c’est une invitation à actualiser sa carte mentale.
La plupart du temps nous dépensons plus d’énergie à défendre notre carte, autrement dit à démontrer que l’on a raison, plutôt que de télécharger la nouvelle version de notre logiciel interne pour s’ouvrir à la raison de l’autre. Dans l’absolu cela importe peu de savoir si la carte est juste ou non. Il faut simplement savoir si elle est adaptée à l’endroit où l’on est et/ou à la situation que l’on vit.
Nos cartes peuvent-elles se contredire ? oui c’est toute la nuance de la palette de gris pour sortir de noir et du blanc. Et C’est là qu’un 2ème élément de réponse, intervient :

Fait réel ou Valeur ?
Parlons-nous de faits, ou parlons-nous de valeurs quand nous disons que nous avons tous vu la même chose ?
Si je dis que j’ai vu l’autre manquer de respect à une personne, je porte sur lui un jugement de valeur (il est irrespectueux), tout à fait contestable pour une autre carte du monde. En revanche, si je dis que l’autre ne m’a pas dit « Bonjour » en arrivant, c’est tout de suite plus factuel et non contestable. Ce qui est contestable c’est la manière dont chacun traite cette donnée dans son disque dur : pour certains, ne pas dire « Bonjour » est un vrai manque de respect, pour d’autre « ça peut arriver et ce n’est pas si grave », pour d’autre encore c’est un non sujet.
Donc pour avoir une chance d’être d’accord, restons factuels,
et laissons de côté le temps de la discussion pour se mettre d’accord, nos points de vue et interprétations des actes.
Et encore que ! ce n’est pas si simple (sinon ça ne serait pas drôle). En réalité cela dépend de l’angle de vue que l’on a pris pour voir ce que l’on a vu ou entendre ce que l’on a entendu.
Cette fable de l’éléphant illustre très bien je trouve cette idée qu’un
fait incontestable dépend de l’endroit où l’on se trouve :
Six aveugles vivaient dans un village paisible au bord de la mer, lorsqu’un éléphant arrive sur la place du village. Aucun d’entre eux ne savaient ce qu’était un éléphant, alors Ils décidèrent que, même s’ils n’étaient pas capables de le voir, ils allaient essayer de le toucher pour comprendre. » Hé ! J’ai tout compris :
- L’éléphant est un pilier » dit le premier, en touchant sa jambe.
- » Oh, non ! ce n’est pas du tout un pilier, puisque c’est souple et fin comme une corde, dit le second, en touchant sa queue.
- » Ce n’est pas vrai du tout, C’est large et rugueux comme la branche épaisse d’un arbre » dit le troisième, en touchant sa trompe.
- » Pas du tout ! un éléphant, c’est comme un grand éventail » dit le quatrième, en touchant son oreille.
- « Mais enfin ! dis le 5ème. Avez-vous tous perdu la notion des choses ! un éléphant c’est comme un mur énorme » dit-il, en touchant son ventre.
- » C’est lisse et solide comme un instrument de musique » dit le sixième, en touchant sa défense.
Ils commençaient à discuter, argumenter, chacun d’eux insistant sur le fait d’avoir raison car ils avaient bien constaté par eux-mêmes en touchant l’éléphant que ce qu’il disait était vrai. Plus personne ne s’écoutait…La morale de cette histoire, vous l’avez compris, c’est qu’:
il peut y avoir une part de vérité dans ce que chacun dit.
Parfois, nous pouvons voir cette vérité, et parfois non, parce qu’il peut, aussi, y avoir différentes perspectives sur lesquelles nous ne pouvons pas être d’accord.
Alors comment sortir de l’ornière ?
Dans une médiation, lorsque nous ne parvenons pas à un accord sur la « réalité », nous posons alors un accord sur le fait que nous sommes
« d’accord sur notre désaccord ».
Cela n’a l’air de rien, mais c’est déjà un énorme pas vers la sortie, car il s’agit de Passer de la justice à la justesse puis à la juste solution
Les pré-requis pour s’acheminer vers la sortie d’un désaccord :
- · Avoir une envie partagée de faire évoluer la situation
- · Se rencontrer pour clarifier la situation, les esprits et les besoins,
- · Faire preuve d’ouverture d’esprit
Enfin, je partage avec vous une technique issue de la méthode P. Viveret que je trouve très efficace.
Lors des débats, je mets à disposition de chaque participant des cartons de 3 couleurs qui permettront au groupe de s’auto réguler, de sortir des émotions et de prendre des temps de réflexion (car chacun écrit les éléments de réponse sur le carton)
- Carton vert : « j’ai une proposition à faire »
- Carton blanc : « j’ai une question »
- Carton rouge : « je vois ce qui bloque le débat »
Puis le médiateur, anime le débat et liste les points d’accords et de désaccords. Pour terminer toutes les parties prenantes réfléchissent à cette question :
« Qu’est ce qui doit absolument être pris en considération dans le point de vue de l’autre, que vous ne partagez pas »
Si tout se passe toujours bien à ce stade là, on peut commencer à s’orienter vers une recherche commune de solutions et pourquoi pas, se demander ce que cette divergence de point de vue au départ, va permettre de construire dans la relation.
Et si toutefois, il n’y a aucune recherche de solution envisageable, alors il est toujours possible de s’excuser.
Et pour citer une expression lue récemment dans le groupe #burnout de linkedin, S’excuser ne veut pas dire que je suis totalement en faute ou que l’autre à totalement raison,
s’excuser veut simplement dire que je fais passer la relation AVANT mon point de vue.
Alors je dis Merci à tous ceux qui sont capable de faire cette démarche de s’excuser : ils permettent de faire avancer vers un monde meilleur.
